Le gouvernement présente, ce mercredi 7 juin, son projet de loi «plein emploi», qui doit donner naissance à «France Travail», le successeur de Pôle emploi, afin de mieux coordonner les acteurs du secteur, et de répondre à une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : amener la France vers le plein emploi.
La France au travail. Emmanuel Macron entend bien honorer l’une de ses promesses de campagne, qui figure également sur la feuille de route des cent jours du gouvernement : atteindre le plein emploi à horizon 2027, soit un taux de chômage autour de 5% (contre 7,1% actuellement) avec en toile de fond l’idée que «personne n’est inemployable».
Pour ce faire, le gouvernement doit présenter, ce mercredi, un projet de loi qui vise à mieux coordonner les différents services d’accès à l’emploi pour que chaque Français puisse retrouver un travail dans les meilleures conditions et les plus brefs délais. Pôle emploi deviendra ainsi «France Travail», et sera l’opérateur en chef de ce projet.
Outre ce nouvel acteur, le projet visera notamment à faciliter l’emploi des personnes en situation de handicap, ou encore des jeunes, et contiendra des mesures pour encadrer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes de la part des syndicats.
Une seule porte d'entrée vers l'emploi
Pour mettre ses idées en pratique, le gouvernement mise sur la création d’un «réseau France Travail», constitué par l'Etat, Pôle emploi (rebaptisé lui-même «France Travail»), les missions locales (pour les jeunes), «Cap emploi» (organisme de placement spécialisé dédié aux personnes handicapées), les collectivités territoriales, les organismes et associations d'insertion, et les caisses d'allocations familiales (CAF). Tous ces acteurs assureront les missions «d’accueil, d'orientation, d'accompagnement, de formation, d'insertion, de placement des personnes recherchant un emploi ou rencontrant des difficultés sociales».
En d’autres termes, ce projet de loi traduit la volonté du gouvernement de créer une seule porte d'entrée pour toutes les personnes en recherche d’emploi ou rencontrant des difficultés d'insertion. Y compris les bénéficiaires du RSA, dont seuls 40% actuellement sont inscrits à Pôle emploi.
Pour gérer ce nouveau réseau, des instances de gouvernance, nommées «comités France Travail» seront instituées au niveau local, départemental, régional et national, et seront elles-mêmes chapeautées par «France Travail» (ex-Pôle emploi). Toutes les personnes privées d'emploi - chômeurs, jeunes, personnes handicapées ou bénéficiaires du RSA - s'y inscriront directement ou via les CAF (lors d'une demande du RSA), les missions locales ou «Cap emploi».
Aujourd'hui, «les répartitions de compétences sont un peu complexes», a souligné jeudi dernier Elisabeth Borne, entre l'Etat chargé de l'accompagnement des demandeurs d’emploi, les régions de leur formation, les départements de l'insertion des bénéficiaires du RSA, et les collectivités des enjeux de garde d'enfants ou de logement. «Il ne s'agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif», a-t-elle résumé.
Un contrat d’engagement pour les demandeurs d’emploi
La nouveauté de ce projet de loi réside dans le fait que les demandeurs d'emploi seront orientés vers l'opérateur «France Travail» ou ses partenaires pour leur accompagnement «en fonction de leur niveau de qualification, leur situation au regard de l'emploi, leurs aspirations, et les difficultés particulières qu'ils rencontrent, notamment en matière de santé, de logement et de garde d'enfant».
Outre l'accès à l'emploi, l'enjeu est également de favoriser l'insertion sociale en cas de problèmes de santé ou de logement. Le demandeur d'emploi et son conseiller référent signeront un «contrat d'engagement» qui définit cet objectif et l'intensité de l'accompagnement.
Un meilleur accès au milieu «ordinaire» pour les handicapés
Le texte vise plus précisément un meilleur accès au milieu ordinaire pour les personnes handicapées et à cesser de les orienter d'emblée vers des dispositifs spécifiques. Lorsque l'une d'elles recevra une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) accordée par une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), celle-ci sera automatiquement transmise à «France Travail».
Les conseillers recevront alors le candidat pour déterminer son projet, ses besoins et l'environnement le plus adapté. Il pourra être orienté vers une entreprise ordinaire, avec ou sans dispositif d'emploi accompagné, vers une entreprise adaptée ou vers le secteur protégé des Esat (Etablissements et services d'accompagnement par le travail).
Les MDPH ne pourront donc plus orienter d'emblée la personne vers un Esat, mais seulement sur préconisation de «France Travail». Le projet de loi se donne pour mission d'aligner les droits des travailleurs des Esat sur ceux des salariés ordinaires. Ils resteront toutefois à l'abri du licenciement.
Mettre fin au frein de la petite enfance
Par ailleurs, le projet vise à ce que la garde d'enfants ne soit plus un frein à la recherche d'emploi. Les communes de plus de 3.500 habitants deviendront «autorités organisatrices» de l'accueil du jeune enfant, avec comme mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l'offre. Un guichet d'information et d'accompagnement des parents sera également mis en place dans toutes les villes de plus de 10.000 habitants.
Le gouvernement veut ainsi créer 100.000 places d'accueil supplémentaires pour les jeunes enfants d'ici à 2027, avec l'objectif d'aboutir à 200.000 d'ici à 2030 - les jeunes enfants disposent actuellement de 458.000 places en crèche et 770.000 auprès d'assistantes maternelles. Il souhaite aussi renforcer la formation des professionnels et le contrôle des crèches.
Changement pour les bénéficiaires du RSA
Pour les bénéficiaires du RSA, chaque inscrit à «France Travail» signera également un contrat d'engagement au début de son parcours. C'est dans ce cadre qu'un accompagnement des allocataires du RSA est expérimenté dans 18 départements avec la question sensible des quinze à vingt heures hebdomadaires d'activité dans «une logique de droits et devoirs».
Pas formellement inscrites dans la loi, ces heures (immersion, remise à niveau, rédaction de CV...) seront un objectif «adapté à chacun», a précisé le ministre du Travail Olivier Dussopt, insistant sur le fait que ce ne sera «ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire». Il rappelle que le contrat entre l'allocataire et son conseiller «existe depuis la création du RMI en 1988», mais qu'actuellement «sur 1,950 million de bénéficiaires du RSA, 350.000 n'ont aucun suivi».
Pour le ministre, «ce qui pêche, c'est l'accompagnement. On n'est pas quitte de notre devoir de solidarité quand on a versé 607 euros», a-t-il précisé. Le projet de loi réformera donc également les sanctions pour les allocataires qui ne respecteraient pas leurs obligations. Il permettra désormais de suspendre temporairement le versement du RSA, avant une décision de suppression. La décision restera prise par le président du conseil départemental.
L'inquiétude des syndicats
Ce volet préoccupe les syndicats qui ont rappelé «leur opposition à toute atteinte au principe de solidarité nationale avec la réforme du RSA». Pour la CFDT, Marylise Léon a prévenu vendredi dans l'Humanité que la conditionnalité du RSA «est une ligne rouge». Denis Gravouil (CGT) reproche au gouvernement de jouer «sur le fait que contrairement aux retraites», une partie de l'opinion pense qu'il faut «tomber» sur les allocataires du RSA.
Aujourd'hui, la radiation est «réservée à des cas très graves de fraude ou autre», a-t-il précisé. Là, ils veulent «des sanctions soi-disant graduées mais en fait beaucoup plus fréquentes, ce qui est inadmissible». Parmi les 60% d'allocataires du RSA non inscrits à Pôle emploi, «on retrouve des situations de handicap, des situations sociales extrêmement difficiles et c'est absurde de prévoir quinze à vingt heures d'activité», a-t-il conclu.
Pour renforcer l'accompagnement, il y aura «des moyens supplémentaires», a assuré Olivier Dussopt, rappelant que le rapport préfigurant la réforme avait chiffré son coût «entre 2 et 2,5 milliards d'euros en cumulé jusqu'en 2027». Mais cela passera aussi par des redéploiements de postes de Pôle emploi. La gouvernance de ce réseau est aussi contestée. Régions de France a notamment dénoncé «un projet flou, régressif et recentralisateur».